L’œuvre claire, de Christian Marsan

Page de droite, un poème dont la forme évoque un édifice renversé (en vérité, une église ou la mosquée de Djenné). À gauche, la date d’un journal intime que le lecteur choisira ou non de découvrir.

Comme le père désormais touché par la maladie qui ne quitte plus son lit, l’élan mystique dont le poème témoigne s’allonge lui aussi dans l’horizontalité de la page ; plutôt qu’un écroulement, le divin s’incarne maintenant dans la temporalité du jardin où le père aimait à passer des heures. Sous l’apparence élémentaire de la chanson, les poèmes – leur forme, leur musicalité et les échos souterrains qui se déploient d’un vers à l’autre – dessinent sur la page l’harmonie qui, liant l’homme à son jardin, l’inscrivent aussi dans l’unité du monde. Si le poème qui s’écrit en haut de la page dessine un nouvel élan, ici cependant pas de divin qui s’exclut de la matière et c’est tout au contraire dans la réalité des corps qui souffrent et qui aiment que le poème, pour s’écrire, a d’abord besoin d’être éprouvé. Jours d’agonie où le père peut-être a découvert son fils, où le fils, il en est sûr, a rencontré son père. C’est désormais une évidence. Aussi tragique soit-il, le journal pour témoigner de cet avènement doit prendre sa place sous le poème dont il devient le socle.

Christian Marsan vit et travaille dans les Landes. Après Le vivant effaré et le ciel où je tombe, l’œuvre claire est son troisième recueil.

Extrait:
l’une dans
le repli du jour et
l’autre où je marchais
sans voir l’une blanche et
l’autre que j’ai pensé pour rien
maintenant que nos nuits se
confondent d’écrire et de
parler maintenant que
c’est mon tour
ventre
où je t’ai fait descendre
——-
21 h 14
Alors qu’il me demande si le médecin va venir, à la question de
l’infirmière qui lui demande ce qu’il veut, comme il me l’a dit au
soir, mon père répond : Qu’on me fiche la paix.

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