Leurs langues sont des cendres de Emmanuel Merle

Pieds gonflés, bouche ouverte, bientôt pierre tombale : le corps devant lui n’est plus qu’un sac. Et rien, ni les mots qu’on lui murmure ni aucun sédatif, désormais ne peut plus le remplir. Visages, souvenirs, la mort prend tout et le fils, à côté du corps souffrant de sa mère, revient à son poème. Mon métier, c’est de soulever la pierre.
Élégie banale, qui rassemble dans une chambre d’hôpital un fils avec sa mère. On y crie, on y pleure mais on y est comme on y sera tous : pauvres, amoureux et battus d’avance. Avec ce livre, Emmanuel Merle ose un ” je ” qui, tout au contraire d’être impudique, vient nous parler à tous.

Extrait :

Le ciment

Des gravats. Voilà les mourants,
un entre-deux non recyclable,
déchets parfois conscients de l’être,
éboulements dans la vallée noire.

Échouée sur un lit sans repos ni désir,
l’œil si lointain, la joue mâchée.

Dis, tu m’entends ?

Tout me fait peur quand je te vois,
tout est rétréci, happé par la puissance
négative de ce qui t’aspire.

Dans cette chambre d’hôpital la lumière,
stridente, acidulée, habille la mort.

La mort sourd de la matière même
du mur rugueux, autre,
se fige sur les yeux
comme du ciment qui comble deux trous.

000