« De la chair et du sang : soit la vie même. » Voilà ce qu’en disait Yves Harté dans sa préface de 1994. A l’occasion des 40 ans du prix de La Crypte, voilà une deuxième édition du flegme des boucheries, texte étrange, fait de quartiers de viande, de viscères et de poésie. On ausculte les corps, mais pour l’amour. Ici, c’est l’écriture qui tranche comme un hachoir. Trente ans ont passé, et l’auteur ici a recomposé autour de son texte original, publié à l’age de 18 ans, afin de le nourrir de ce que le temps fait aux mots.
Prix de La Crypte 1994
2ème édition, arrangée et complétée par l’auteur.
Extrait:
La rate
Il est certain que tous les jours
on rassasie un porc de nos muscles.
Je prends en haine mes couturiers et mes bouchers excité par les nerfs et le con
du porc qui me visse les revers, et se remue plus tactile
dans un drame
de la veine porte à la cave.
Et l’infâme cuisinier qui me coupe une maigre tranche
parce qu’il m’a reconnu.
Je butte mes couturiers
j’ai éventré ma peau sociale
en gâchant du porc.
Souvent ils raclent leurs arêtes aux serrures
pour croire encore à l’issue dans le fer
croire au sel marin
les ordures sont réelles !
Même si je suis mal venu
vous voyez, entre la lame et la tranche
là où le boucher stoppe l’archaïsme
là où je sens l’âme de mon os
entre la lame et la tranche
des kilomètres d’air à la vitesse obligatoire
à laquelle on s’étire
entre chaque intervalle de bave
la foi écœurée à la cuillère la cuillère
haut le cœur
