tu ne sais plus ton âge, de Jasmin Limans

Revenir à l’âge de raison et apprendre à nager dans l’étang de l’enfance. Corps et visages, noms de pays, fragments d’histoires jusqu’à apprendre à tutoyer son propre fantôme. Et si les morts se souvenaient des vivants, s’ils pouvaient parler, si l’on pouvait prêter sa langue aux revenants ? Comme si l’absence refusait de prendre acte au point de n’avoir pas eu lieu, et qu’il existait des failles, des abîmes et des gouffres, dans lesquels on pourrait voyager avec un frère et se raconter une histoire. La sienne, comme celle de ses fantômes, lointains et proches. Apprendre, avec eux, à nager, dans les sphères du temps.

Extrait:

Anvers te revient

un temps après l’été l’étang n’est plus qu’un songe
les jours sont des souches dans les bois abattus
des clairières indécises ton âge en bas des arbres
est une branche fauve une nuée d’oiseaux chevauchant
des ruisseaux
ton frère est absent
tu cherches tes sept ans dans des
petites flaques ton âge est à genoux il nage dans la
boue et c’est déjà l’automne les arbres sont des
fantômes tu les vois revenant dans l’étang inversé
ton frère leur ressemble
quand vous rêvez ensemble vous regardez danser
des versets de lumière vous égrenez le temps souvent
il s’y attarde souvent il s’en souvient – souviens-toi

L’auteur:

Jasmin Limans, enseignant, a écrit des textes pour le chorégraphe Nejib Ben Khalfallah. Membre fondateur de l’association Trente Oiseaux et de l’Atelier du Bas Cros, un lieu de création et de résidence dédiée à la poésie et aux écritures contemporaines, il codirige par ailleurs la revue Vif avec Marie Lo Pinto. Il a publié en 2020 le livre Matin de Lumière aux éditions Exopotamie. Il publie également dans plusieurs revues, parmi lesquelles Sitaudis, Dissonance, Le cafard hérétique, Lichen, Nouveaux Délits, Ce qui reste, Vif, Pojar….

000