EMMANUEL HOCQUARD par Gilles A. Tiberghien

L’auteur suit la trace d’un écrivain qui fonda les éditions Orange Export Ltd., passait aisément les frontières et aimait à la fois la poésie américaine, le polar, les “Remarques” du philosophe Wittgenstein et la ville de Tanger où il avait passé son enfance. Son dessein est de prouver que l’écrivain dérobait des formes littéraires pour les transformer, tendait à l’hybridation des genres
et s’intéressait aux processus par lesquels l’écriture poétique consigne notre rapport au monde.
Tiberghien chemine comme un enquêteur à travers une œuvre littéraire poétique incontournable, révélant le réseau de liens qui la connectent à des dizaines d’autres auteurs, des contemporains aux classiques, poètes, philosophes ou auteurs de polars.
La seconde partie fournit des pièces à conviction en offrant un large choix d’extraits de livres d’Emmanuel Hocquard et d’entretiens. Elle donne à lire entre autres les élégies, forme poétique traditionnelle dont l’écrivain renouvela le rythme et la signification.

Extrait :
1. La psychologie ronge la littérature française qui s’en défend
tant bien que mal car, régulièrement, tel ou tel auteur, non sans
véhémence d’ailleurs, fait mine de lui échapper pour ne s’occuper
que de la place des mots dans les espaces et des situations qu’ils
produisent. Le naturalisme, le surréalisme ou le Nouveau Roman
en France ont chaque fois réagi, à leur manière et pour des raisons
différentes, à cette tendance qu’ils n’ont pourtant jamais éradiquée.
Les cibles visées ne sont pas toujours les bonnes, les solutions
apportées pas nécessairement les plus satisfaisantes, mais la
réaction est la même. Éviter la psychologie, ce n’est pas éviter de
parler de soi, c’est s’interdire de justifier ses comportements ou
ceux des autres en les rapportant à des codes ou à des lois supposés
les régir et nous permettre de les expliquer. C’est ainsi que dans
le domaine du roman traditionnel, le petit moteur à deux temps,
introspection/explication, tourne à plein régime.

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