Abandons, Hortense Raynal

Depuis son premier recueil, Hortense Raynal chemine dans un ancien monde, qui peut ressembler à celui de l’enfance, oublié et perdu, et dont tout l’enjeu de son travail poétique est de s’astreindre à en faire émerger les images qu’elle peut encore sauver. A travers ces nouveaux poèmes, sans arrêt sautant d’une idée à l’autre et d’une image à l’autre, la poétesse invoque des espaces dont elle s’est malgré elle éloigné, des paysages et des manières de dire le monde qui ont construit son rapport à celui-ci et qui risquent chaque jour de disparaître un peu plus. Les abandons sont autant les témoignages de choses perdues ou risquant de l’être qu’un appel à renverser cette fatalité et s’adresser à ceux qui ne sont plus, ceux qui ont abandonné, ceux qui sont les images d’un monde qui a participé à construire le nôtre.

Extrait :
c’est comme
parfois
dans la vie ça avance sans qu’on sache
c’est traversant comme
les briques qui forment la fenêtre
de la maison de l’existence
toit enrhumé qu’on construit sur du mistral nouveau
dont on a jamais parlé
souffle et ça casse – comme c’est cassé –
dans la province parcourue
derrière soi femme-baratin
derrière soi les pleurs
derrière soi ses répétitions ;
derrière soi, soi

Née en 1993 à Rodez et diplômée de l’ENS, Hortense Raynal publie son premier recueil, Ruralités, en 2021 (éd. Les Carnets du dessert de Lune). Celui-ci reçoit le Prix du premier recueil de poésie de la Fondation Antoine et Marie-Hélène Labbé. L’écrivaine publie deux ans plus tard Nous sommes tous des marécages (éd. Maelström reEvolution). Mue par une “obsession cartographique”, elle propose cependant que l’on s’y “perd[e]”. En mars 2024, elle publie bouche-fumier dans la collection “Sorcières” de Cambourakis.

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